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Avant qu’il n’ait Besoin
Blake Pierce


Un mystГЁre Mackenzie White #5
Dans AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Un mystère Mackenzie White – Volume 5), l’agent spécial du FBI Mackenzie White, est assignée sur une affaire qu’elle n’avait jamais rencontrée auparavant : la victime n’est pas un homme ou une femme – mais un couple. Le troisième couple retrouvé mort chez eux en un mois. Alors que Mackenzie et le FBI se démènent pour comprendre qui peut bien vouloir assassiner des couples heureux, ses recherches l’amènent dans les profondeurs d’une sous-culture et d’un univers troublant. Elle apprend très vite que tout n’est pas parfait derrière les clôtures des maisons apparemment parfaites de banlieue – et que les ténèbres rôdent aux abords des familles qui ont l’air les plus heureuses. Alors que sa traque se transforme en un jeu mortel du chat et de la souris, Mackenzie, cherchant toujours à retrouver l’assassin de son propre père, se rend compte qu’elle est peut-être trop impliquée – et qu’il se peut que l’assassin qu’elle recherche soit le plus insaisissable de tous : parfaitement normal. Un thriller psychologique sombre avec un suspense qui vous tiendra en haleine, AVANT QU’IL N’AIT BESOIN est le volume 5 d’une fascinante nouvelle série, et d’un nouveau personnage, qui vous fera tourner les pages jusqu’à des heures tardives de la nuit. Le volume 6 de la série mystère Mackenzie White sera bientôt disponible. Également disponible du même auteur Blake Pierce : UNE FOIS PARTIE (Un mystère Riley Paige – Volume 1) – bestseller nº1 avec plus de 900 critiques à cinq étoiles – et un téléchargement gratuit !





Blake Pierce

Avant qu’il n’ait Besoin. Un mystère Mackenzie White 5




Blake Pierce

Blake Pierce est l’auteur de la série à succès mystère RILEY PAIGE, qui comprend huit volumes (pour l’instant). Black Pierce est également l’auteur de la série mystère MACKENZIE WHITE, comprenant cinq volumes (pour l’instant) ; de la série mystère AVERY BLACK, comprenant quatre volumes (pour l’instant) ; et de la nouvelle série mystère KERI LOCKE.

Lecteur avide et admirateur de longue date des genres mystère et thriller, Blake aimerait connaître votre avis. N’hésitez pas à consulter son site www.blakepierceauthor.com (http://www.blakepierceauthor.com/) afin d’en apprendre davantage et rester en contact.



Copyright В© 2016 par Blake Pierce. Tous droits rГ©servГ©s. Sous rГ©serve de la loi amГ©ricaine sur les droits d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ГЄtre reproduite, distribuГ©e ou transmise sous quelque forme ou par quelque procГ©dГ© que ce soit, ni enregistrГ©e dans une base de donnГ©es ou un systГЁme de rГ©cupГ©ration, sans l'accord prГ©alable de l'auteur. Ce livre Г©lectronique est sous licence pour usage personnel uniquement. Ce livre Г©lectronique ne peut ГЄtre ni revendu, ni donnГ© Г  d'autres personnes. Si vous dГ©sirez partager ce livre avec quelqu'un, veuillez acheter une copie supplГ©mentaire pour chaque bГ©nГ©ficiaire. Si vous lisez ce livre et que vous ne l'avez pas achetГ©, ou qu'il n'a pas Г©tГ© achetГ© pour votre usage personnel uniquement, veuillez le rendre et acheter votre propre copie. Merci de respecter le travail de cet auteur. Il s'agit d'une Е“uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les endroits, les Г©vГ©nements et les incidents sont soit le produit de l'imagination de l'auteur, soit utilisГ©s de maniГЁre fictive. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existГ© est purement fortuite. Image de couverture Copyright Kichigin, utilisГ© sous licence de Shutterstock.com.



LIVRES PAR BLAKE PIERCE



LES ENQUГЉTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

REACTION EN CHAINE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA A LA CHASSE (Tome 5)

A VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FERIR (Tome 9)



SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)



POLAR AVERY BLACK

RAISON DE TUER (TOME 1)

RAISON DE COURIR (TOME2)

RAISON DE SE CACHER (TOME 3)

RAISON DE CRAINDRE (TOME 4)



LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (TOME 1)

DE MAUVAIS AUGURE (TOME 2)

L’OMBLRE DU MAL (TOME 3)




PROLOGUE


Joey Nestler savait qu’un jour, il serait un bon policier. Son père avait été policier avant lui et son grand-père avant ça. Le grand-père de Joey avait pris une balle en pleine poitrine en 1968, ce qui l’avait obligé à prendre sa pension plus tôt que prévu. Être flic coulait dans ses veines et bien qu’il n’ait que vingt-huit ans et qu’on ne lui assigne que des affaires sans importance, Joey savait qu’un jour il gravirait les échelons.

Mais aujourd’hui ne serait pas le jour. On lui avait de nouveau assigné une tâche sans importance – un travail ingrat. Joey savait qu’il en avait encore au moins pour six mois de ce type de missions ridicules. Mais ça lui convenait pour l’instant. Se balader dans les rues de Miami dans une voiture de police à cette époque de l’année, la fin du printemps, était plutôt agréable. Les filles avaient sorti leurs shorts moulants et leurs bikinis puisque le climat s’était adouci et le fait d’être occupé à des tâches subalternes lui permettait plus facilement de profiter du panorama.

Il se remettrait d’ailleurs tout de suite à mater les jolies filles dans la rue dès qu’il en aurait terminé avec la tâche qui l’attendait. Il se gara devant une rangée de maisons élégantes, dont chacune était bordée de palmiers bien entretenus. Il sortit lentement de sa voiture de patrouille, persuadé qu’il allait à nouveau se trouver face à une simple affaire de dispute conjugale. Il devait néanmoins admettre que les détails de cette affaire avaient attisé sa curiosité.

Une femme avait appelé le commissariat ce matin en informant que sa sœur ne répondait ni à ses coups de fils, ni à ses emails. Cette situation n’aurait normalement suscité aucun intérêt mais lorsqu’ils eurent vérifié l’adresse de la sœur en question, elle se trouvait directement à côté d’une maison dont les habitants avaient appelé hier soir pour déposer plainte pour tapage nocturne. Apparemment, un chien avait aboyé furieusement toute la nuit. Les appels téléphoniques et les coups frappés à la porte afin de demander aux propriétaires de faire moins de bruit étaient restés sans réponse. Et quand la police avait rappelé la femme afin de lui poser des questions concernant sa sœur, elle avait confirmé que sa sœur avait bien un chien.

Et maintenant, me voilà ici, pensa Joey en montant les marches qui menaient à la porte d’entrée.

Il était déjà passé par le bureau du propriétaire afin de se procurer un double des clés et ce détail rendait sa mission légèrement plus intéressante que ses tâches habituelles. Il avait quand même la sensation que ses capacités étaient sous-estimées et il se sentait un peu stupide au moment de frapper à la porte. Vu ce qu’il savait de cette affaire, il ne s’attendait pas à une réponse.

Il frappa Г  la porte Г  plusieurs reprises, les cheveux trempГ©s de sueur sous sa casquette en plein soleil.

Après deux minutes, toujours aucune réponse. Il n’en fut pas vraiment étonné.

Joey sortit la clé et la tourna dans la serrure. Il ouvrit légèrement la porte et cria à l’intérieur.

« Bonjour, je suis l’officier Nestler de la police de Miami. Je vais entrer et… »

Il fut interrompu par les aboiements d’un petit chien qui se précipitait dans sa direction. Il s’agissait d’un Jack Russell et bien qu’il fasse de son mieux pour essayer d’intimider l’étranger qui se trouvait sur le pas de la porte, il avait également l’air un peu effrayé. Ses pattes arrière tremblaient.

« Hé, petit gars, » dit Joey en entrant dans la maison. « Où sont tes parents ? »

Le chien se mit à gémir. Joey pénétra plus avant dans la maison. Il avait fait deux pas dans le petit vestibule en direction du salon quand il sentit une odeur nauséabonde. Il baissa les yeux vers le chien et fronça les sourcils.

« Personne ne t’a sorti depuis un bout de temps, on dirait. »

Le chien baissa la tête comme s’il avait parfaitement compris et se sentait honteux de ce qu’il avait fait.

Joey s’avança dans le salon, tout en continuant à crier à voix haute.

« Bonjour, je cherche monsieur ou madame Kurtz. Je suis l’officier Nestler de la police de Miami. »

Mais il ne reçut aucune réponse et il était certain qu’il n’en recevrait pas. Il traversa le salon, qui était impeccable. Puis il entra dans la cuisine adjacente et dut se couvrir la bouche et le nez de sa main. La cuisine était l’endroit où le chien avait décidé de faire ses besoins, des flaques d’urine recouvraient le sol et deux tas d’excréments se trouvaient devant le frigo.

Il vit deux gamelles vides de l’autre côté de la cuisine. Se sentant mal pour le chien, Nestler remplit une des gamelles d’eau du robinet. Le chien se mit à boire avidement au moment où Nestler sortait de la cuisine. Il se dirigea vers les escaliers qui partaient du salon et monta à l’étage.

Au moment où il arriva dans le couloir à l’étage, Joey Nestler sentit pour la première fois de sa carrière ce que son père appelait l’instinct policier. Il sut tout de suite que quelque chose ne tournait pas rond. Il sut qu’il allait se retrouver face à quelque chose de désagréable, quelque chose à laquelle il ne s’attendait pas.

Il sortit son arme, se sentant un peu ridicule alors qu’il continuait à s’avancer dans le couloir. Il passa devant une salle de bain (où il trouva une autre flaque d’urine laissée par le chien) et devant un petit bureau. Le bureau était un peu en désordre mais ne présentait aucun signe particulier de lutte.

Au bout du couloir, une troisiГЁme et derniГЁre porte Г©tait ouverte, rГ©vГ©lant la chambre Г  coucher principale.

Nestler s’arrêta sur le seuil et son sang se glaça dans ses veines.

Il observa la scène devant lui durant cinq bonnes secondes avant d’entrer dans la chambre.

Un homme et une femme – vraisemblablement monsieur et madame Kurtz – gisaient morts sur le lit. Au vu de la quantité de sang sur les draps, les murs et la moquette, il était clair qu’ils n’étaient pas seulement endormis.

Joey s’avança de deux pas puis s’arrêta. Ce n’était pas une affaire pour lui. Il fallait qu’il en informe le commissariat avant de faire quoi que ce soit d’autre. De plus, de là où il se trouvait, il pouvait voir tout ce qu’il y avait à voir. Monsieur Kurtz avait été poignardé à la poitrine et la gorge de madame Kurtz avait était tranchée d’une oreille à l’autre.

Joey n’avait jamais vu autant de sang de sa vie. Ça lui donnait presque le vertige.

Il sortit de la chambre à coucher, sans plus penser à son père ou à son grand-père, sans plus penser au fin policier qu’il désirait un jour devenir.

Il sortit de la maison en courant et dévala les escaliers du porche, tout en luttant contre une forte vague de nausée. Alors qu’il tâtonnait pour trouver le micro qu’il avait à l’épaule, il vit le Jack Russell sortir précipitamment de la maison.

Debout devant la maison, le chien à ses côtés, Nestler appela le commissariat. Le chien ne cessait de japper en direction du ciel comme s’il pouvait changer quelque chose à l’horrible scène qui se trouvait à l’intérieur.




CHAPITRE UN


Mackenzie White était assise à son poste de travail et frôlait une carte de visite du bout des doigts. C’était une carte de visite qui l’obsédait depuis des mois maintenant, une carte liée à son passé. Ou, plus précisément, au meurtre de son père.

Elle y revenait à chaque fois qu’elle clôturait une enquête, en se demandant quand elle prendrait un peu de temps à elle, loin de son boulot d’agent, afin de pouvoir retourner au Nebraska et revoir la scène du meurtre de son père d’un nouvel œil, sans l’influence de la mentalité du FBI.

Le travail l’épuisait dernièrement et avec chaque nouvelle affaire qu’elle élucidait, le mystère qui entourait la mort de son père exerçait une attraction de plus en plus forte sur elle. C’était devenu à un tel point qu’elle avait de moins en moins le sentiment de devoir accompli lorsqu’elle clôturait une affaire. La dernière en date avait abouti à l’arrestation de deux hommes qui planifiaient la distribution de cocaïne dans un lycée de Baltimore. L’enquête lui avait pris trois jours et elle s’était déroulée de manière si fluide qu’elle n’avait même pas eu l’impression d’avoir accompli grand-chose.

Elle avait bossé sur bon nombre d’enquêtes d’importance depuis qu’elle était arrivée à Quantico et elle s’était tracée sa route dans un tourbillon d’interventions, d’opérations en coulisse et de situations de justesse. Elle avait perdu un partenaire, était parvenue à énerver à peu près tous ses superviseurs et s’était bâti une réputation.

La seule chose qui lui manquait, c’était un ami. Bien sûr, il y avait Ellington mais il y avait une sorte d’alchimie entre eux qui rendait l’amitié difficile. Et de toute façon, elle avait officiellement renoncé à lui. Il l’avait éconduite à deux reprises maintenant – pour différentes raisons à chaque fois – et elle n’allait pas se tourner à nouveau en ridicule. Elle se contenterait du fait que leur relation professionnelle soit le seul lien qui les unisse.

Ces dernières semaines, elle avait également appris à mieux connaître son nouveau partenaire – un novice un peu maladroit mais zélé du nom de Lee Harrison. Il s’occupait essentiellement de la paperasserie, des tâches encombrantes et des recherches mais il faisait vraiment du bon boulot. Elle savait que le directeur McGrath cherchait juste à savoir comment il s’en sortirait en étant submergé par autant de travail. Et pour l’instant, Harrison était le meilleur.

Elle pensait vaguement à Harrison en regardant la carte de visite. Elle lui avait demandé à plusieurs reprises de faire des recherches concernant toute entreprise du nom d’Antiquités Barker. Et bien qu’il ait obtenu bien plus de résultats que n’importe qui d’autre ces derniers mois, toutes les pistes avaient abouti à un cul-de-sac.

Alors qu’elle y réfléchissait, elle entendit des pas légers s’approcher de son poste de travail. Mackenzie glissa la carte de visite sous une pile de papiers à côté de son ordinateur et fit semblant d’être occupée à lire ses emails.

« Salut, White, » dit une voix masculine familière.

Ce type est tellement bon qu’il peut pratiquement m’entendre quand je pense à lui, pensa-t-elle. Elle pivota sur sa chaise et vit Lee Harrison qui la regardait.

« Laisse tomber le White, » dit-elle. « C’est Mackenzie, ou Mac, si tu t’en sens le courage. »

Il sourit d’un air gêné. Il était évident qu’Harrison ne savait pas encore comment il devait lui parler ou même comment agir en sa présence. Et ça lui convenait. Elle se demandait parfois si McGrath ne l’avait pas assigné à être parfois son partenaire, juste pour qu’il s’habitue à ne jamais vraiment être sûr de ce qu’il en était avec ses collègues. Et si c’était le cas, pensa-t-elle, c’était un coup de génie.

« OK alors… Mackenzie, » dit-il. « Je voulais juste vous dire qu’ils en avaient fini avec les dealers de ce matin. Ils veulent savoir si vous avez besoin d’autres informations de leur part. »

« Non, j’ai tout ce qu’il me faut, » dit-elle.

Harrison hocha de la tête mais avant de s’éloigner, il fronça les sourcils d’une manière qui était presque devenue un signe distinctif chez lui. « Est-ce que je peux vous poser une question ? » demanda-t-il.

« Bien sûr. »

« Est-ce que vous… et bien, est-ce que vous allez bien ? Vous avez l’air vraiment fatiguée. Même un peu épuisée. »

Elle aurait facilement pu le charrier pour ce commentaire et le faire sentir très mal à l’aise mais elle décida de s’abstenir. C’était un bon élément et elle ne voulait pas être le genre d’agent (à peine plus qu’une débutante elle-même) qui harcelait le nouveau venu. Au lieu de ça, elle dit : « Oui, ça va. C’est juste que je ne dors pas beaucoup dernièrement. »

Harrison hocha la tête. « Je comprends, » dit-il. « Et bien… je vous souhaite de trouver le sommeil. » Puis il fronça de nouveau les sourcils de manière si distinctive et s’éloigna, probablement prêt à abattre les tâches que McGrath lui avait préparées pour la suite.

Son attention ayant été détournée de la carte de visite et des innombrables mystères irrésolus qu’elle représentait, Mackenzie décida de la laisser de côté. Elle se mit à jour dans ses emails et se mit à classer les papiers qui avaient commencé à s’accumuler sur son bureau. Elle n’avait pas souvent l’occasion de s’adonner à ce genre de tâches ingrates et elle en était très reconnaissante.

Quand son téléphone se mit à sonner en plein milieu, elle l’attrapa de manière anxieuse. N’importe quoi qui me permette de m’éloigner de ce bureau.

« Mackenzie White, » dit-elle en décrochant.

« White, c’est McGrath. »

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Bien que McGrath soit loin d’être la personne qu’elle préférait, elle savait que quand il l’appelait ou quand il s’approchait de son poste de travail, c’était généralement pour lui assigner une affaire.

Et c’était la raison pour laquelle il appelait. Mackenzie n’eut même pas le temps de dire bonjour qu’il se remettait à nouveau à parler, de cette manière rapide qu’il avait de communiquer.

« Je veux que vous veniez tout de suite dans mon bureau, » dit-il. « Et amenez Harrison avec vous. »

À nouveau, Mackenzie n’eut pas le temps de répondre. Il avait raccroché avant qu’un seul son ne puisse sortir de sa bouche.

Mais ça ne la dérangeait pas. Apparemment, McGrath avait une nouvelle affaire à lui confier. Peut-être que ça allait lui permettre d’aiguiser son esprit et lui offrir un dernier moment de clarté avant qu’elle ne se retire quelques temps pour se concentrer sur l’enquête concernant le meurtre de son père.

Animée d’une sorte d’effervescence, elle se leva et se mit à la recherche de Lee Harrison.


***

En voyant la manière dont Harrison se comportait dans le bureau de McGrath permit à Mackenzie de remettre les pieds sur terre. Elle le vit assis, raide comme un piquet, sur le bord de sa chaise alors que McGrath commençait à leur parler. Le jeune agent était visiblement nerveux et cherchait à faire bonne impression. Mackenzie savait qu’il était perfectionniste et qu’il avait une mémoire de style photographique. Elle se demanda à quoi ressemblait sa mémoire – s’il absorbait chaque mot qui sortait de la bouche de McGrath, tel une éponge.

Il me fait un peu penser Г  moi, pensa-t-elle tout en se concentrant aussi sur ce que McGrath leur disait.

« Alors, voici ce que j’ai pour vous, » dit McGrath. « Hier matin, la police d’état de Miami nous a appelés concernant une série de meurtres. Dans les deux cas, il s’agit de meurtres de couples mariés. Nous avons donc quatre cadavres. Les meurtres étaient relativement violents et sanglants et pour l’instant, il ne semble n’y avoir aucun lien manifeste entre eux. Le style violent des meurtres, et le fait qu’il s’agisse de couples mariés assassinés dans leur lit, fait que la police d’état de Miami pense qu’il s’agit d’un tueur en série. Je pense personnellement qu’il est trop tôt pour en être sûr. »

« Vous pensez qu’il pourrait s’agir juste d’une coïncidence ? » demanda Mackenzie.

« Oui, je pense que c’est possible, » dit-il. « Mais ils nous ont demandé de l’aide et je veux vous y envoyer tous les deux. Harrison, c’est une excellente occasion pour vous de travailler sur le terrain et de vous lancer. White, j’attends de vous que vous l’encadriez mais sans jouer au chef. Vous avez compris ? »

« Oui, monsieur, » dit Mackenzie.

« Je vous envoie tous les détails et les informations concernant votre vol dans l’heure à venir. Je ne pense pas que ça vous prendra plus qu’un jour ou deux. Vous avez des questions ? »

Mackenzie secoua la tête. Harrison lança un rapide « Non monsieur, » et Mackenzie sentit qu’il faisait de son mieux pour ne pas montrer son enthousiasme.

Elle ne pouvait pas le blГўmer. Elle aussi Г©tait enthousiaste.

En dépit de ce que McGrath pensait, elle sentait déjà que cette affaire serait loin d’être un travail de routine.

Des couples.

C’était une première pour elle.

Et elle ne pouvait pas s’empêcher de penser que cette petite affaire de « routine » s’avérerait être bien plus compliquée.




CHAPITRE DEUX


Bien que Mackenzie sache que l’un des stéréotypes du gouvernement soit que les choses bougent de manière assez lente, elle savait aussi que ce n’était généralement pas le cas au moment d’envoyer les agents du FBI sur le terrain. Seulement quatorze heures après avoir été convoquée dans le bureau de McGrath, Mackenzie garait une voiture de location sur une place de parking devant une rangée de maisons de ville. Elle se gara à côté d’une voiture de patrouille et remarqua l’officier qui était assis à l’intérieur.

À côté d’elle, sur le siège passager, Harrison relisait les notes concernant l’affaire. Il avait été plutôt silencieux durant le trajet et Mackenzie avait été sur le point d’entamer la conversation. Elle se demandait s’il était nerveux, intimidé, ou un peu des deux. Mais au lieu de le forcer à communiquer avec elle, elle estima qu’il était peut-être mieux pour lui de sortir tout seul de sa coquille – surtout si McGrath projetait de les faire travailler ensemble comme partenaires dans un futur proche.

Mackenzie prit un moment pour se rappeler tout ce qu’elle savait concernant l’enquête. Elle inclina légèrement la tête en arrière, ferma les yeux et se remémora tous les détails. La tendance qu’elle avait de s’arrêter à chaque détail d’une enquête lui permettait de se plonger facilement dans ses pensées et de fouiller parmi ses souvenirs comme s’il s’agissait d’une armoire de classement à l’intérieur de sa tête.

Un couple assassiné, ce qui amène tout de suite quelques questions sur le tapis. Pourquoi tous les deux ? Pourquoi pas seulement l’un d’entre eux ?

Être attentive à tout ce qui pourrait paraître bizarre, même vaguement. Si la jalousie est la raison de ces assassinats, c’est probablement l’œuvre de quelqu’un qui envie leur vie d’une certaine façon.

Pas d’effraction ; la famille Kurtz a laissé entrer l’assassin de leur plein gré.

Elle rouvrit les yeux, puis ouvrit la portière de la voiture. Elle pouvait spéculer tout ce qu’elle voulait sur base de ce qu’elle avait lu dans le dossier. Mais rien de tout ça ne serait aussi efficace que de mettre les pieds sur la scène de crime et d’y jeter un œil.

Harrison sortit de la voiture en même temps qu’elle et ils se retrouvèrent sous le soleil éclatant de Miami. Elle pouvait sentir l’odeur de l’océan dans l’air salé, avec une légère trace d’odeur de poisson qui n’était pas vraiment désagréable.

Au moment où ils refermèrent les portières de la voiture, l’officier qui se trouvait dans la voiture de police à côté d’eux sortit également. Mackenzie supposa qu’il s’agissait là de l’officier de police qui était chargé de les rencontrer. Environ la quarantaine, la policière était assez jolie avec ses cheveux blonds courts captant la lumière dorée du soleil.

« Agents White et Harrison ? » demanda l’officier.

« Oui, c’est nous, » dit Mackenzie.

La femme leur tendit la main tout en se présentant. « Je suis l’officier Dagney, » dit-elle. « Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à me demander. L’endroit a bien entendu été nettoyé mais j’ai un dossier rempli de photos prises au moment où la scène était encore fraîche. »

« Merci, » dit Mackenzie. « Pour commencer, je pense que j’aimerais d’abord aller jeter un coup d’œil à l’intérieur. »

« Bien sûr, » dit Dagney, en montant les escaliers et en sortant une clé de sa poche. Elle fit tourner la clé dans la serrure et fit signe à Mackenzie et à Harrison d’entrer avant elle.

Mackenzie sentit tout de suite l’odeur d’eau de javel ou de nettoyant ménager. Elle se rappela que le rapport mentionnait le fait qu’un chien s’était retrouvé enfermé à l’intérieur de la maison durant au moins deux jours et qu’il y avait fait ses besoins à plusieurs reprises.

« L’eau de javel, » dit Harrison. « C’était pour nettoyer les crasses laissées par le chien ? »

« Oui, » dit Dagney. « Ça a été nettoyé hier soir. On a voulu tout laisser tel qu’on l’avait trouvé jusqu’à ce que vous arriviez mais la puanteur était juste – vraiment insupportable. »

« Ça devrait tout de même aller, » dit Mackenzie. « La chambre à coucher se trouve à l’étage, c’est bien ça ? »

Dagney hocha la tête et les guida en direction des escaliers. « La seule chose qui a été touchée là-haut, c’est les corps et le drap du dessus qui ont été enlevés, » expliqua-t-elle. « Le drap est toujours là, sur le sol, sur une bâche en plastique. Mais il a fallu le bouger pour pouvoir retirer les corps du lit. Le sang était… et bien, vous allez voir par vous-mêmes. »

Mackenzie remarqua qu’Harrison ralentissait légèrement le pas, se rangeant prudemment derrière elle. Mackenzie suivit Dagney jusqu’à la porte de la chambre et remarqua qu’elle restait sur le seuil en faisant tout son possible pour ne pas regarder à l’intérieur.

Une fois qu’elle fut à l’intérieur de la chambre, Mackenzie vit tout de suite que Dagney n’avait pas exagéré, ni les rapports qu’elle avait lus. Il y avait beaucoup de sang – beaucoup plus qu’elle n’en ait jamais vu au même endroit.

Et durant un horrible instant, elle se retrouva dans une chambre au Nebraska – une chambre dans une maison qu’elle savait maintenant abandonnée. Elle regardait un lit baigné de sang où gisait le corps de son père.

Elle écarta l’image de sa tête au moment où elle entendit le bruit des pas d’Harrison se rapprochant lentement derrière elle.

« Ça va ? » lui demanda-t-elle.

« Oui, » dit-il, bien que sa voix ait l’air légèrement essoufflée.

Mackenzie remarqua que la plupart du sang se trouvait sur le lit, comme elle s’y attendait. Le drap qui avait été retiré du lit et étalé sur le sol avait autrefois été de couleur blanc cassé. Mais maintenant il était en grande partie recouvert de sang séché, dans une nuance plutôt rouge bordeaux. Elle s’approcha lentement du lit, presque certaine de n’y trouver aucune trace d’indice. Même si l’assassin avait accidentellement laissé un cheveu ou quoi que soit contenant son ADN, il serait maintenant enseveli au milieu de tout ce sang.

Elle regarda les éclaboussures sur le mur et sur la moquette. Elle examina surtout cette dernière pour vérifier si éventuellement elle pourrait y trouver la trace d’une empreinte de chaussure.

Il se peut qu’il y ait des traces quelque part, pensa-t-elle. Assassiner quelqu’un de cette manière – avec autant de sang sur la scène de crime – l’assassin a dû en avoir sur lui. Même s’il n’y a aucune trace de pas, peut-être qu’il y a des traces de sang quelque part dans la maison, du sang qu’il aurait accidentellement laissé derrière lui en sortant.

Puis aussi, comment l’assassin a-t-il pu les tuer tous les deux alors qu’ils étaient au lit ? Au moment de tuer le premier, le deuxième se serait sûrement réveillé. Soit l’assassin est vraiment rapide, soit il a organisé la scène avec les corps disposés sur le lit après avoir commis les meurtres.

« C’est une belle pagaille, hein ? » dit Harrison.

« Oui, effectivement, » dit Mackenzie. « Dis-moi… au premier coup d’œil, est-ce que tu vois quoi que ce soit qui pourrait constituer une piste, un indice ou quelque chose à examiner de plus près ? »

Il secoua la tête en fixant le lit des yeux. Elle hocha la tête en signe d’assentiment, sachant qu’il leur serait très difficile de trouver un quelconque indice avec tout ce sang. Elle se mit même à genoux pour jeter un coup d’œil en-dessous du lit, pour voir si elle pouvait y trouver quoi que ce soit. Elle n’y avait rien, à part une paire de pantoufles et un vieil album photo. Elle sortit l’album photo et le feuilleta. Les premières pages contenaient les photos d’un mariage, depuis le moment où la mariée s’avançait dans l’allée d’une grande église jusqu’au moment de la découpe du gâteau par le couple marié.

En fronçant les sourcils, elle remit l’album là où elle l’avait trouvé. Puis elle se retourna vers Dagney, qui se tenait toujours sur le pas de la porte, le dos tourné. « Vous nous avez dit que vous aviez des dossiers avec des photos, c’est bien ça ? »

« Oui. Si vous pouvez attendre un instant, je vous amène tout ça. » Elle avait répondu rapidement et avec une certaine urgence dans la voix, visiblement impatiente de redescendre à l’étage du bas.

Quand Dagney fut partie, Harrison ressortit dans le couloir. Il regarda en direction de la chambre et laissa échapper un profond soupir. « Vous aviez déjà vu une scène de crime comme celle-là ? »

« Jamais avec autant de sang, » répondit-elle. « J’ai vu quelques scènes horribles mais celle-ci dépasse tout ce que j’ai pu voir en terme de quantité de sang. »

Harrison eut l’air de réfléchir à ce qu’elle venait de dire au moment où elle sortait de la chambre. Ils redescendirent ensemble à l’étage du bas et entrèrent dans le salon où moment où Dagney passait la porte d’entrée. Ils se retrouvèrent à l’endroit du bar qui séparait la cuisine du salon. Dagney posa le dossier sur le bar et Mackenzie l’ouvrit. La première photo montrait le même lit à l’étage, recouvert de sang. Seulement, sur la photo, il y avait aussi deux cadavres – un homme et une femme. Les Kurtz.

Tous deux étaient vêtus de ce qui semblait être les vêtements qu’ils portaient pour dormir. Monsieur Kurtz (Josh, selon les rapports) portait un t-shirt et un boxer. Madame Kurtz (Julie) portait un débardeur à bretelles et un simple short de gym. Il y avait une grande variété de photos, certaines prises si près des corps que Mackenzie fit la grimace à plusieurs reprises. La photo de la gorge tranchée de madame Kurtz était particulièrement horrible.

« Je n’ai vu aucune mention de l’arme utilisée dans les rapports, » dit Mackenzie.

« C’est parce qu’elle n’a pas été identifiée. Tout le monde suppose qu’il s’agit d’un couteau. »

Un trГЁs grand couteau alors, pensa Mackenzie en dГ©tournant les yeux du corps de madame Kurtz.

Elle vit qu’apparemment, même dans la mort, madame Kurtz avait recherché le réconfort de son mari. Sa main droite était posée de manière presque paresseuse sur sa cuisse. Il y avait quelque chose de vraiment tendre dans cette image mais ça lui brisa également un peu le cœur.

« Et concernant le premier couple assassiné ? » demanda Mackenzie.

« C’était les Sterling, » dit Dagney, en sortant plusieurs photos et feuilles de papier de l’arrière du dossier.

Mackenzie regarda les photos et vit une scène similaire à ce qu’elle avait vu sur les photos précédentes, ainsi qu’à l’étage. Un couple, gisant sur leur lit, du sang partout. La seule différence était que le mari sur les photos des Sterling dormait tout nu ou avait été déshabillé par l’assassin.

Ces scènes sont bien trop similaires, pensa Mackenzie. C’est comme si elles avaient été organisées. Elle observa les similarités, comparant les photos des Kurtz et des Sterling.

Le courage et la force de volonté de tuer deux personnes en même temps – et d’une manière aussi brutale. Ce type est vraiment déterminé. Très motivé. Et apparemment pas contraire à la violence extrême.

« Corrigez-moi si je me trompe, » dit Mackenzie, « mais la police de Miami enquête selon l’hypothèse qu’il s’agit là de simples violations de domicile, c’est bien ça ? »

« Et bien, oui, au début, » dit Dagney. « Mais d’après ce qu’on a pu en déduire, il n’y a aucun signe de pillage ni de vol. Et vu qu’il s’agit du deuxième couple assassiné cette semaine, on dirait de moins en moins qu’il s’agit là de simples violations de domicile. »

« Je suis assez d’accord avec ça, » dit-elle. « Et qu’en est-il de possibles liens entre les deux couples ? » demanda Mackenzie.

« Pour l’instant, on n’a rien trouvé mais une équipe y travaille. »

« Et dans le cas des Sterling, est-ce qu’il y avait des signes de lutte ? »

« Non. Rien. »

Mackenzie regarda de nouveau les photos et deux similarités lui sautèrent tout d’un coup aux yeux. L’une d’entre elles en particulier lui donna la chair de poule.

Mackenzie observa de nouveau les photos des Kurtz. Elle vit la main de la femme posГ©e sur la cuisse de son mari.

Et elle sut à cet instant même qu’il s’agissait là de l’œuvre d’un tueur en série.




CHAPITRE TROIS


Mackenzie suivait Dagney qui les conduisait vers le commissariat. En chemin, elle remarqua qu’Harrison prenait des notes dans le dossier qui avait accaparé toute son attention durant le trajet entre Washington et Miami. En plein milieu, il s’interrompit et la regarda d’un air interrogateur.

« Vous avez déjà une hypothèse, n’est-ce pas ? » demanda-t-il.

« Non. Je n’ai pas encore d’hypothèse mais j’ai remarqué quelques détails sur les photos qui me semblent un peu bizarres. »

« Vous voulez m’en faire part ? »

« Non, pas encore, » dit Mackenzie. « Si j’en parle maintenant et que j’en reparle à nouveau au commissariat, je vais réanalyser ce que je pense. Je vais d’abord prendre un peu de temps pour mettre de l’ordre dans tout ça. »

Avec un sourire, Harrison retourna à ses notes. Il ne se plaignait pas qu’elle garde des choses pour elle (ce qu’elle ne faisait pas non plus) et il n’insista pas. Il faisait de son mieux pour être discipliné tout en restant efficace et elle l’appréciait beaucoup pour ça.

Durant le trajet vers le commissariat, elle eut l’occasion d’apercevoir de temps en temps l’océan entre les édifices. Elle n’avait jamais adoré la mer comme certaines personnes l’adoraient mais elle pouvait comprendre l’attraction qu’elle exerçait. Même maintenant, alors qu’ils étaient à la recherche d’un assassin, elle pouvait sentir la sensation de liberté qu’elle représentait. Jalonnée de gigantesques palmiers et sous le soleil éclatant d’un après-midi à Miami, elle était encore plus belle que jamais.

Dix minutes plus tard, Mackenzie suivit Dagney au moment où elle entra sur un parking attenant à un imposant édifice de police. Comme tout le reste dans cette ville, le commissariat avait une sorte d’ambiance balnéaire. Plusieurs palmiers énormes étaient alignés le long de la mince bande de gazon devant l’édifice. L’architecture simple parvenait également à transmettre une atmosphère décontractée tout en étant raffinée. C’était un endroit accueillant, un sentiment qui perdurait même lorsqu’ils se retrouvèrent à l’intérieur de l’édifice.

« Il ne va y avoir que trois officiers sur cette affaire, moi y compris, » dit Dagney en les guidant le long d’un vaste couloir. « Maintenant que vous êtes là, il est possible que mon supérieur intervienne beaucoup moins sur le dossier. »

Tant mieux, pensa Mackenzie. Moins il y aura d’objections et de débats, le mieux ce sera.

Dagney les conduisit jusqu’à une petite salle de conférence au bout du couloir. À l’intérieur, deux hommes étaient assis à une table. L’un d’eux était occupé à connecter un projecteur à un MacBook, tandis que l’autre tapait nerveusement sur une tablette.

Ils levèrent tous les deux la tête au moment où Dagney les fit entrer dans la pièce. Quand ils le firent, Mackenzie vit dans leurs yeux l’expression habituelle…. C’était une expression qui l’ennuyait mais à laquelle elle était habituée. C’était un regard qui avait l’air de dire : Oh, une femme plutôt jolie. Je ne m’attendais pas à ça.

Dagney fit rapidement les présentations au moment où Mackenzie et Harrison prirent place autour de la table. L’homme avec la tablette était le chef de police Rodriguez, un vieil homme grisonnant au visage bronzé et marqué de profondes rides. L’autre homme était plutôt nouveau, Joey Nestler. Ce dernier était en fait l’officier qui avait découvert les corps des Kurtz. Au moment où Dagney le présenta, il terminait de connecter le moniteur à l’ordinateur portable. Le projecteur envoya une lumière blanche lumineuse sur un petit écran attaché au mur à l’avant de la pièce.

« Merci d’être venus, » dit Rodriguez, en mettant sa tablette de côté. « Écoutez, je ne vais pas être l’habituel connard de policier local qui vous mettra des bâtons dans les roues. Vous me dites ce dont vous avez besoin et si c’est dans la limite du possible, vous l’obtiendrez. En échange, je vous demande juste de nous aider à élucider rapidement cette affaire en évitant de transformer la ville en une sorte de cirque médiatique. »

« On dirait qu’on veut la même chose, alors, » dit Mackenzie.

« Tant mieux. Joey ici a tous les documents concernant cette affaire, » dit-il. « Le rapport du médecin légiste vient d’arriver ce matin et ne nous apprend rien de plus que ce à quoi nous nous attendions. Les Kurtz ont été poignardés et saignés à blancs. Aucune trace de drogue dans leur organisme. Rien du tout. Pour l’instant, nous n’avons décelé aucun lien entre les deux crimes. Alors si vous avez une idée, je suis prêt à l’écouter. »

« Officier Nestler, » dit Mackenzie, « avez-vous toutes les photos qui ont été prises sur les deux scènes de crime ? »

« Oui, » dit-il. Il lui faisait beaucoup penser à Harrison – anxieux, un peu nerveux, et cherchant visiblement à plaire à ses supérieurs et à ses collègues.

« Pourriez-vous retrouver les photos prises des corps en entier et les afficher côte à côte à l’écran ? » demanda Mackenzie.

Il s’affaira rapidement et afficha les images côte à côte sur l’écran du projecteur en moins de dix secondes. Voir ces photos en pleine lumière dans une pièce à moitié obscure avait quelque chose de sinistre. Afin d’éviter que ces interlocuteurs ne s’attardent sur la gravité des clichés et ne perdent leur concentration, Mackenzie alla droit au but.

« Je pense que nous pouvons affirmer que ces meurtres ne sont pas le résultat d’un cambriolage ou d’une simple violation de domicile. Rien n’a été volé et, de fait, il n’y a aucun signe d’effraction d’aucune sorte. Il n’y a également aucun signe de lutte. Ce qui veut dire que l’assassin a probablement été invité à entrer ou possédait peut-être une clé. Et les meurtres ont dû se dérouler rapidement. Le fait également qu’il n’y ait aucune trace de sang ailleurs dans la maison nous permet de conclure que les meurtres ont dû avoir lieu dans la chambre à coucher – aucun signe d’acte criminel ailleurs dans la maison. »

S’exprimer à voix haute lui permit de ressentir combien ça avait l’air étrange.

Le type n’aurait pas seulement été invité à entrer, mais aurait été invité à entrer jusqu’à la chambre à coucher. Ce qui veut dire que la possibilité qu’on l’ait invité à entrer est plutôt peu probable. Il devait avoir une clé. Ou il devait savoir où il pouvait trouver un double.

Elle continua à parler avant d’être distraite par ces nouvelles réflexions et conclusions.

« Je veux regarder ces photos de plus près car il y a deux choses étranges qui me sont apparues. Tout d’abord… notez comment les quatre corps sont tous couchés parfaitement à plat sur le dos. Leurs jambes sont détendues et bien positionnées. C’est comme s’ils avaient été mis spécialement en place afin de donner cette impression. Et puis, il y a autre chose – et si nous avons affaire à un tueur en série, je pense qu’il s’agit là de l’élément le plus important à noter. Regardez la main droite de madame Kurtz. »

Elle leur laissa le temps de regarder. Elle se demanda si Harrison devinerait là où elle voulait en venir et s’il l’exprimerait. Elle leur laissa encore un peu de temps mais vu qu’aucun d’entre eux ne prit la parole, elle continua à parler.

« Sa main droite repose sur la cuisse de son mari. C’est la seule partie de son corps qui n’est pas parfaitement allongée. Soit c’est une coïncidence, soit l’assassin a placé leur corps dans cette position, plaçant intentionnellement sa main à cet endroit. »

« Et s’il l’avait fait ? » demanda Rodriguez. « Quelle en serait la raison ? »

« Et bien, jetons maintenant un coup d’œil à la photo des Sterling. Regardez la main gauche du mari. »

Cette fois-ci, elle n’eut pas besoin de leur laisser le temps de la réflexion. Dagney exprima tout haut ce à quoi elle faisait référence. Et quand elle parla, sa voix était tendue et nerveuse.

« Il a la main tendue et posée sur la cuisse de sa femme, » dit-elle.

« Exactement, » dit Mackenzie. « Si ça n’apparaissait que sur les photos d’un des couples, je n’en ferais même pas mention. Mais le même geste se retrouve chez les deux couples. Il est manifeste que l’assassin l’a fait dans un certain but. »

« Mais dans quel but ? » demanda Rodriguez.

« Symbolique ? » suggéra Harrison.

« Peut-être bien, » dit Mackenzie.

« Mais c’est très peu de chose sur laquelle se baser, non ? » demanda Nestler.

« C’est vrai, » dit Mackenzie. « Mais au moins, c’est quelque chose. Si c’est symbolique aux yeux de l’assassin, il doit y avoir une raison. Pour l’instant, j’aimerais commencer par avoir une liste de suspects qui ont récemment été libérés sous parole pour des crimes violents associés à des violations de domicile. Je continue à croire qu’il ne s’agit pas là d’une violation de domicile en soi mais c’est par là qu’il est le plus vraisemblable de commencer les recherches. »

« OK, je vous fournis ça, » dit Rodriguez. « Autre chose à ajouter ? »

« Rien pour l’instant. Notre prochaine étape est de parler avec la famille, les amis et les voisins des deux couples. »

« OK, on a déjà parlé avec la famille proche des Kurtz – un frère, une sœur et les parents. Vous pouvez aller leur parler à nouveau mais ils ne nous ont rien appris de plus. Le frère de Josh Kurtz nous a dit qu’à sa connaissance, leur mariage allait très bien. Le seul moment où ils se disputaient, c’était durant la saison de football quand les Seminoles jouaient contre les Hurricanes. »

« Et les voisins ? » demanda Mackenzie.

« Nous leur avons également parlé mais ce fut bref. Ce fut surtout concernant la plainte pour tapage nocturne qu’ils avaient déposée concernant les aboiements du chien. »

« Alors, c’est par là que nous allons commencer, » dit Mackenzie, en regardant en direction d’Harrison.

Et sans un mot de plus, ils se levГЁrent et sortirent de la piГЁce.




CHAPITRE QUATRE


Mackenzie trouvait un peu perturbant de se retrouver à nouveau devant ces mêmes maisons de ville. Alors qu’ils s’avançaient en direction de la maison des voisins sous un ciel magnifique, le fait de savoir qu’il y avait un lit recouvert de sang dans la maison d’à côté semblait surréaliste. Mackenzie réprima un frisson et détourna les yeux de la maison des Kurtz.

Au moment où elle et Harrison montaient les escaliers menant à la porte d’entrée des voisins, le téléphone de Mackenzie sonna, lui signalant qu’elle avait reçu un message. Elle sortit son téléphone et vit que le message venait d’Ellington. Elle leva les yeux au ciel lorsqu’elle le lut.



Г‡a va avec le dГ©butantВ ? Je te manque dГ©jГ  ?



Elle faillit répondre mais elle n’avait pas non plus envie de l’encourager. De plus, elle n’avait pas envie d’avoir l’air distante ou distraite devant Harrison. Elle savait que c’était un peu prétentieux de sa part de penser ça, mais elle était presque certaine qu’il la considérait un peu comme un exemple. De ce fait, elle rangea le téléphone dans sa poche et continua à avancer vers l’entrée de la maison. Elle laissa Harrison frapper à la porte et il le fit avec beaucoup de prudence et de soin.

Quelques instants plus tard, une femme à l’air troublé ouvrit la porte. Elle avait l’air d’avoir la bonne quarantaine. Elle portait un débardeur ample et un short qui aurait aussi bien pu n’être qu’une culotte. Elle avait l’air d’aller régulièrement à la plage et elle avait visiblement utilisé les services d’un chirurgien esthétique pour se refaire le nez et probablement la poitrine.

« Je peux vous aider ? » demanda-t-elle.

« Vous êtes Demi Stiller ? »

« Oui, c’est moi. Pourquoi ? »

Mackenzie sortit son badge avec une rapidité à laquelle elle devenait de plus en plus experte. « Nous sommes les agents White et Harrison du FBI. Nous aimerions vous poser quelques questions concernant vos voisins. »

« OK, bien sûr, » dit Demi. « Bien que nous ayons déjà parlé avec la police. »

« Je sais, » dit Mackenzie. « Mais j’espérais pouvoir vous poser davantage de questions. Si j’ai bien compris, il y avait un peu de frustration concernant le chien des voisins au moment où vous leur avez parlé. »

« Oui, effectivement, » dit Demi, en leur faisant signe d’entrer et en refermant la porte derrière eux. « Bien entendu, je n’avais aucune idée qu’ils avaient été assassinés au moment où j’ai porté plainte. »

« Bien sûr, » dit Mackenzie. « Mais de toutes façons, nous ne sommes pas là pour parler de la plainte. Nous espérions que vous pourriez nous donner plus d’informations concernant leurs vies. Est-ce que vous les connaissiez bien ? »

Demi les avait menés jusqu’à la cuisine, où Mackenzie et Harrison prirent place au bar. La maison avait exactement la même disposition que celle des Kurtz. Mackenzie vit Harrison jeter un coup d’œil sceptique en direction des escaliers qui partaient du salon adjacent.

« Nous n’étions pas amis, si c’est ce que vous voulez savoir, » dit Demi. « On se disait bonjour quand on se voyait, vous voyez ? On a bien fait quelques barbecues avec eux sur la terrasse arrière, mais c’est à peu près tout. »

« Depuis combien de temps étiez-vous voisins ? » demanda Harrison.

« Un peu plus de quatre ans, je crois. »

« Et est-ce que vous les considéreriez comme de bons voisins ? » poursuivit Mackenzie.

Demi haussa légèrement les épaules. « Oui, dans l’ensemble. Ils avaient parfois quelques fêtes un peu bruyantes durant la saison de football mais c’était supportable. Honnêtement, j’ai même failli ne pas porter plainte concernant ce bête chien. La seule raison pour laquelle je l’ai fait, c’est parce que personne ne m’a ouvert la porte quand je suis allée sonner chez eux. »

« Vous savez s’ils avaient parfois des invités qui venaient régulièrement ? »

« Je ne pense pas, » dit Demi. « La police nous a posé la même question. Nous y avons réfléchi avec mon mari et je ne me rappelle pas avoir jamais vu de voitures garées régulièrement chez eux, à part leur propre véhicule. »

« Sinon, savez-vous s’ils étaient impliqués dans quoi que ce soit qui pourrait nous amener à pouvoir interroger d’autres personnes ? Un genre de club par exemple, ou un type d’intérêt spécifique ? »

« Non, pas que je sache, » dit Demi. Au moment où elle parla, elle se mit à regarder le mur comme si elle essayait de voir à travers jusqu’à la maison des Kurtz. Elle avait l’air un peu triste. C’était peut-être dû à la perte des Kurtz ou tout simplement au fait de se retrouver en plein milieu de cette histoire.

« Vous êtes sûre ? » insista Mackenzie.

« Oui, je pense. Il me semble que le mari jouait au racquetball. Je l’ai vu s’y rendre quelques fois en revenant du fitness. Et quant à Julie, je ne sais pas. Je sais qu’elle aimait bien dessiner mais c’est seulement parce qu’elle m’a montré une fois quelques-uns de ses dessins. Mais à part ça… non. Ils restaient plutôt entre eux. »

« Est-ce qu’il y a quoi que ce soit – même le moindre détail – qui vous ait particulièrement interpelée à leur sujet ? »

« Et bien, » dit Demi, en fixant toujours le mur des yeux, « je sais que c’est un peu obscène mais il était clair que les Kurtz avaient une vie sexuelle très active. Apparemment, les murs sont assez fins ici – ou c’était les Kurtz qui étaient plutôt bruyants. Je ne saurais même pas vous dire combien de fois nous les avons entendus. Parfois ce n’était même pas des bruits étouffés ; ils y allaient à fond, vous voyez ? »

« Quoi que ce soit qui ait eu l’air violent ? » demanda Mackenzie.

« Non, pas du tout, » dit Demi, sur un ton un peu gêné. « Ils étaient juste vraiment très enthousiastes. C’était quelque chose dont nous avions toujours voulu leur parler mais on ne l’a jamais fait. C’était un peu gênant de mettre le sujet sur le tapis, vous voyez ? »

« Oui, bien sûr, » dit Mackenzie. « Vous avez mentionné votre mari à plusieurs reprises. Où se trouve-t-il actuellement ? »

« À son boulot. Il travaille de neuf heures à dix-sept heures. Moi, je travaille de la maison. Je gère un service éditorial à temps partiel. »

« Pourriez-vous lui poser les mêmes questions que je viens de vous faire, afin d’être sûre d’avoir toutes les informations possibles ? » demanda Mackenzie.

« Oui, bien sûr. »

« Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez consacré, madame Stiller. Il est possible que je vous appelle un peu plus tard si j’ai d’autres questions. »

« Oui, bien sûr, » dit Demi en les raccompagnant vers la porte d’entrée.

Quand ils se retrouvèrent à l’extérieur et que Demi Stiller eut refermé la porte derrière eux, Harrison regarda en direction de la maison qui fut autrefois la demeure de Josh et de Julie Kurtz. « Alors, tout ce que nous avons pu apprendre de cette visite, c’est qu’ils avaient une vie sexuelle épanouie ? » demanda-t-il.

« On dirait bien, » dit-elle. « Mais ça nous confirme peut-être aussi qu’ils étaient un couple heureux. Ajoute ça aux déclarations de la famille concernant leur mariage parfait et ça devient plus difficile de trouver un mobile à leurs meurtres. Ou, d’un autre côté, ça pourrait maintenant faciliter les choses. S’ils avaient un mariage heureux et qu’ils évitaient les ennuis, trouver une personne qui pourrait avoir du ressentiment à leur égard pourrait être plus facile. Maintenant… jette un coup d’œil à tes notes. Dans quelle direction penses-tu que nous devrions maintenant chercher ? »

Harrison eut l’air un peu surpris par sa question mais il regarda consciencieusement le cahier dans lequel il gardait ses notes et ses dossiers. « Il faut nous rendre à la première scène de crime – la maison des Sterling. Les parents du mari vivent à seulement dix kilomètres de là, alors ça peut valoir aussi la peine d’aller leur rendre visite. »

« Ça me paraît une très bonne idée, » dit-elle. « Tu as les adresses ? »

Elle lui lança les clés de la voiture et se dirigea vers la portière du côté passager. Elle prit un moment pour admirer l’air de surprise et de fierté qui envahit son visage au moment où il attrapa les clés.

« Alors montre-nous le chemin, » dit-elle.




CHAPITRE CINQ


La résidence des Sterling se trouvait à dix-huit kilomètres de la maison des Kurtz. Mackenzie ne put s’empêcher d’admirer l’endroit au moment où Harrison s’avança sur la longue allée en béton qui menait à la résidence. La maison se trouvait à environ cinquante mètres de la route principale et elle était bordée d’un superbe parterre de fleurs et de hauts arbres fins. La maison en elle-même était très moderne, principalement constituée de fenêtres et de poutres en bois patinées. C’était une maison idyllique mais néanmoins coûteuse pour un couple nanti. Le seul détail qui détonnait dans cette vision, c’était le ruban jaune pour scène de crime qui barrait la porte d’entrée.

Lorsqu’ils se mirent à marcher en direction de la porte, Mackenzie remarqua combien l’endroit était calme. Il était isolé des autres maisons voisines par un bosquet dense, un mur luxuriant de verdure qui avait l’air tout aussi bien entretenu et coûteux que les maisons situées dans cette partie de la ville. Bien que la propriété ne soit pas sur la plage, elle entendait la mer bruisser quelque part au loin.

Mackenzie se pencha pour passer en-dessous du ruban protégeant la scène de crime et sortit le double de la clé que Dagney lui avait fourni, suite à l’enquête initiale de la police de Miami. Ils entrèrent dans un grand vestibule et Mackenzie fut à nouveau surprise par l’intense silence qui y régnait. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle afin d’étudier la disposition de la maison. Un couloir s’ouvrait sur leur gauche et se terminait dans une cuisine. Le reste de la maison était assez ouvert ; un salon et un grand espace détente étaient reliés entre eux et continuaient à l’arrière vers une véranda entièrement vitrée.

« Que sait-on de ce qui s’est passé ici ? » demanda Mackenzie à Harrison. Bien sûr, elle connaissait la réponse. Mais elle voulait le laisser exposer ses propres réflexions sur le sujet, espérant qu’il soit rapidement à l’aise avant que les choses ne s’accélèrent.

« Deb et Gerald Sterling, » dit Harrison. « Il avait trente-six ans et elle, trente-huit. Assassinés dans leur chambre à coucher, de la même manière que les Kurtz. Mais ces meurtres ont eut lieu au moins trois jours avant ceux des Kurtz. Leurs corps ont été retrouvés par leur femme de ménage un peu après huit heures du matin. Le rapport du médecin légiste indique qu’ils sont morts le soir précédent. L’enquête initiale n’a trouvé absolument aucun indice, quel qu’il soit, bien que la police scientifique soit actuellement occupée à analyser des fibres capillaires retrouvées accrochées à l’embrasure de la porte d’entrée. »

Mackenzie hocha la tête en signe d’assentiment pendant qu’il récitait les faits. Elle examinait le rez-de-chaussée, essayant d’avoir une idée du genre de personnes que pouvaient être les Sterling avant de monter dans la chambre où ils avaient été assassinés. Elle passa à côté d’une grande étagère encastrée entre le salon et l’espace de détente. La plupart des livres qui s’y trouvaient était des ouvrages de fiction, essentiellement d’auteurs tels que King, Grisham, Child et Patterson. Il y avait également quelques livres sur l’art. En d’autres mots, des livres plutôt bateau qui ne donnaient pas beaucoup d’indices sur la vie personnelle des Sterling.

Un bureau à cylindre décoratif était appuyé contre le mur dans l’espace de détente. Mackenzie souleva le haut et regarda à l’intérieur mais il n’y avait pas grand-chose d’intéressant – juste des stylos, du papier, quelques photos et d’autres ustensiles.

« Allons à l’étage, » dit-elle.

Harrison hocha la tГЄte, tout en respirant profondГ©ment.

« Ça va aller, » dit Mackenzie. « Moi aussi, la maison des Kurtz m’a secouée. Mais crois-moi… on finit par s’habituer à ce genre de situations. »

Tu sais que ce n’est pas forcément une bonne chose, non ? pensa-t-elle en elle-même. À combien de scènes horribles es-tu devenue indifférente depuis le jour où tu as vu cette première femme attachée à un poteau dans les champs de maïs du Nebraska ?

Elle écarta cette pensée au moment où ils atteignirent le haut des escaliers. L’étage était composé d’un long couloir qui donnait sur trois pièces. Un grand bureau se trouvait à gauche. Il était rangé au point d’être presque vide et il donnait sur le bosquet d’arbres à l’arrière de la maison. L’énorme salle de bains était équipée de deux lavabos, d’une grande douche, d’une baignoire et d’une armoire à linge aussi grande que la cuisine de Mackenzie.

Tout comme à l’étage inférieur, il n’y avait pas grand-chose ici qui leur permette de se faire une idée du genre de personnes qu’étaient les Sterling ou de la raison pour laquelle quelqu’un pourrait bien vouloir les tuer. Sans perdre plus de temps, Mackenzie s’avança vers le bout du couloir où la porte de la chambre à coucher était ouverte. La lumière du jour se déversait à travers une grande fenêtre sur le côté gauche de la chambre. La lumière se répandait sur le bout du lit, transformant les taches bordeaux qui s’y trouvaient en d’éclatantes variantes de rouge.

Ça donnait un peu le vertige de rentrer dans la chambre d’une maison immaculée et d’y voir tout ce sang répandu sur le lit. Le sol était en bois mais Mackenzie put y voir quelques éclaboussures de sang. Il n’y avait pas autant de sang sur les murs que ce qu’ils avaient vu chez les Kurtz mais il y avait tout de même quelques taches, comme une sorte de peinture abstraite morbide.

Il y avait une légère odeur de cuivre dans l’air, l’odeur du sang séché. C’était très léger mais on aurait dit que ça remplissait toute la chambre. Mackenzie contourna le lit en regardant les draps gris clair tachés de rouge. Elle vit une petite marque sur le drap du haut, qui ressemblait à une déchirure faite par un couteau. Elle l’examina de plus près et se rendit compte que c’était bien ce qu’elle croyait.

En ayant fait un seul tour autour du lit, Mackenzie était certaine qu’ils n’allaient rien trouver de plus ici qui pourrait faire avancer leur enquête. Elle regarda autour d’elle – les tables de chevet, les tiroirs de la commode et le petit centre de divertissement – cherchant à y trouver le moindre détail.

Elle vit une légère encoche dans le mur, pas plus grande qu’une pièce d’un cent. Elle était entourée d’éclaboussures de sang. Il y avait davantage de sang en-dessous, un léger filet qui avait séché sur le mur et de petites éclaboussures sur la moquette en-dessous de l’encoche.

Elle s’approcha de l’encoche dans le mur et l’examina attentivement. Elle avait une forme particulière et le fait qu’il y avait du sang autour lui faisait penser que l’un devait être la conséquence de l’autre. Elle se mit debout droite et vérifia l’alignement de la petite encoche avec son corps. Elle leva légèrement le bras et le plia. Ce faisant, son coude s’aligna de manière presque parfaite avec l’encoche.

« Qu’est-ce que tu as trouvé ? » demanda Harrison.

« Des signes de lutte, je pense, » répondit-elle.

Il la rejoignit et observa l’encoche. « Pas grand-chose sur lequel se baser, non ? » demanda-t-il.

« Non, c’est vrai. Mais le sang lui donne son importance. Ça, et le fait que cette maison soit dans un état impeccable. Ça me fait penser que l’assassin a fait tout son possible pour cacher tout signe de lutte. Il a presque mis en scène la maison en entier, d’une certaine manière. Mais ce signe de lutte n’a pas pu être dissimulé. »

Elle baissa les yeux vers la petite tache de sang sur la moquette. Elle était décolorée et il y avait même de très légères traces de rouge autour d’elle.

« Tu vois, » dit-elle, en la montrant du doigt. « Là, on dirait que quelqu’un a essayé de la nettoyer. Mais soit il était pressé, ou soit il ne lui a pas été possible de tout enlever. »

« Peut-être qu’on devrait aller refaire un tour dans la maison des Kurtz alors. »

« Peut-être, » dit-elle, bien qu’elle soit certaine d’avoir minutieusement examiné l’endroit.

Elle s’éloigna du mur et se dirigea vers l’énorme dressing. Elle regarda à l’intérieur et vit que tout y était également bien rangé.

Mais elle y vit tout de même la seule chose dans toute la maison qui pouvait être associé à du désordre. Une chemise et un pantalon chiffonnés étaient entassés contre le mur du dressing. Elle prit la chemise et vit qu’il s’agissait de vêtements d’homme – peut-être les derniers vêtements que Gerald Sterling ait jamais portés.

Tentant sa chance, elle mit la main dans chacune des poches avant. Dans l’une d’entre elles, elle trouva soixante-dix cents en pièces de monnaie. Dans l’autre, elle trouva un ticket chiffonné. Elle le déplia et vit qu’il provenait d’un magasin d’alimentation et qu’il datait d’il y a cinq jours… le dernier jour de sa vie. Elle regarda le ticket et se mit à réfléchir.

Comment pouvons-nous découvrir ce qu’ils ont fait durant leurs derniers jours de vie ? Ou la semaine dernière, ou même le mois dernier ?

« Harrison, dans ses rapports, la police de Miami n’a-t-elle pas affirmé qu’ils avaient analysé les téléphones des victimes afin d’y trouver un quelconque indice ? »

« Oui, c’est exact, » dit Harrison, en contournant prudemment le lit ensanglanté. « Les contacts, les appels entrants et sortants, les emails, les téléchargements, tout. »

« Mais pas l’historique de recherche sur internet ou des trucs dans le genre ? »

« Non, pas que je m’en souvienne. »

Mackenzie remit le ticket dans la poche du pantalon, puis sortit du dressing et de la chambre. Elle retourna à l’étage inférieur, consciente qu’Harrison la suivait de près.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Harrison.

« Une intuition, » dit-elle. « Un espoir, peut-être. »

Elle retourna vers le bureau à cylindre dans le coin détente et l’ouvrit à nouveau. Au fond, il y avait un petit panier. Quelques stylos en sortaient, ainsi qu’un chéquier personnel. S’ils ont une maison aussi rangée, j’imagine que le chéquier est dans le même état.

Elle sortit le chéquier et se rendit compte qu’elle avait raison. Les montants y étaient méticuleusement indiqués. Chaque transaction était inscrite de manière très lisible et avec le plus de détails possible. Mêmes les retraits au guichet automatique étaient indiqués. Elle se rendit très vite compte que ce chéquier était une sorte de compte secondaire, et non le compte principal des Sterling. Au moment de leur mort, il comptabilisait un peu plus de sept mille dollars.

Elle examina le chéquier, à la recherche de toute information qui pourrait lui offrir une sorte de piste mais rien n’attira spécialement son attention. Par contre, elle vit quelques abréviations qu’elle ne reconnaissait pas. La plupart des transactions pour ces saisies concernaient des montants d’entre soixante à deux cents dollars. L’une des saisies qu’elle ne reconnaissait pas était pour un montant de deux mille dollars.

Bien qu’il n’y ait rien dans le chéquier qui soit d’entrée de jeu bizarre, elle continuait à se focaliser sur les abréviations et initiales qu’elle ne connaissait pas. Elle prit quelques photos de ces transactions avec son téléphone, puis remit le chéquier à sa place.

« Tu as une idée en particulier ? » demanda Harrison.

« Peut-être, » dit-elle. « Pourrais-tu appeler Dagney et lui demander si quelqu’un pourrait vérifier les comptes des Sterling durant l’année écoulée ? Comptes à vue, cartes de crédit, même PayPal s’ils l’utilisaient. »

« Bien sûr, » dit Harrison. Il sortit tout de suite son téléphone pour appeler Dagney.

Peut-ГЄtre que finalement Г§a va me plaire de travailler avec lui, pensa Mackenzie.

Elle l’écouta parler avec Dagney pendant qu’elle refermait le bureau à cylindre et elle regarda de nouveau en direction des escaliers.

Quelqu’un a monté ces escaliers il y a quatre jours et a assassiné un couple marié, pensa-t-elle, essayant d’imaginer la scène. Mais pourquoi ? Et de nouveau, pourquoi n’y a-t-il aucun signe d’effraction ?

La réponse était simple : Comme avec les Kurtz, l’assassin a été invité à entrer. Ce qui veut dire que soit ils connaissaient le tueur et l’ont laissé entrer, soit le tueur a joué un jeu… faisant semblant d’être quelqu’un qu’ils connaissaient ou une personne dans le besoin.

Cette hypothèse semblait fragile mais elle sentait qu’il y avait là quelque chose à creuser. Tout au moins, ça créait un lien entre les deux couples.

Et pour l’instant, c’était une connexion suffisante, qui valait la peine d’être examinée de plus près.




CHAPITRE SIX


Bien que Mackenzie ait espéré pouvoir éviter de devoir parler avec la famille des récents défunts, il se trouvait que les choses à faire sur sa liste allaient plus rapidement qu’elle ne l’aurait espéré. Après avoir quitté la maison des Sterlings, la prochaine étape consistait naturellement à chercher des réponses du côté de la famille la plus proche des victimes. Dans le cas des Sterling, leur membre de famille le plus proche était une sœur qui vivait à moins de quinze kilomètres de la maison des Kurtz. Le reste de la famille vivait en Alabama.

Les Kurtz, par contre, avaient beaucoup de famille dans la région. Josh Kurtz n’avait pas bougé très loin de chez lui et vivait non seulement à moins de trente kilomètres de ses parents, mais également de sa sœur. Mais puisque la police de Miami avait déjà beaucoup parlé aujourd’hui avec les Kurtz, Mackenzie opta pour la sœur de Julie Kurtz.

Sara Lewis eut l’air plus que contente de les rencontrer et bien que la nouvelle de la mort de sa sœur date de moins de deux jours, elle avait l’air de l’accepter aussi bien qu’une fille de vingt-deux ans puisse le faire.

Sara les invita à entrer dans sa maison à Overtown, une petite maison pittoresque à un étage qui ressemblait plus à un petit appartement. L’intérieur était très peu décoré et était envahi par ce silence nerveux que Mackenzie avait déjà expérimenté dans beaucoup d’autres maisons où quelqu’un venait de perdre un proche. Sara était assise au bord du divan et tenait une tasse de thé en main. Il était clair qu’elle avait récemment beaucoup pleuré ; elle avait également l’air de ne pas avoir beaucoup dormi.

« J’imagine que si le FBI est impliqué, » dit-elle, « ça veut dire qu’il y a eu d’autres meurtres ? »

« Oui, de fait, » dit Harrison, assis à côté de Mackenzie. Elle fonça brièvement les sourcils, ayant préféré qu’il n’ait pas été aussi enclin à divulguer cette information.

« Mais, » dit Mackenzie, intervenant avant qu’Harrison ne puisse continuer à parler, « nous ne pouvons bien sûr ne faire aucune déduction solide concernant une quelconque connexion sans une enquête minutieuse. Et c’est la raison pour laquelle on nous a appelés. »

« Je veux faire tout ce que je peux pour vous aider, » dit Sara Lewis. « Mais j’ai déjà répondu aux questions de la police. »

« Oui, je comprends et je vous en suis reconnaissante, » dit Mackenzie. « Je veux juste couvrir quelques aspects qu’ils pourraient avoir ignorés. Par exemple, pouvez-vous nous dire quelle était la situation financière de votre sœur et de votre beau-frère ? »

Il était évident que Sara pensait qu’il s’agissait là d’une question bizarre mais elle fit néanmoins de son mieux pour répondre. « J’imagine que ça allait. Josh avait un bon boulot et ils ne dépensaient vraiment pas beaucoup d’argent. Julie me réprimandait même parfois quand je dépensais de manière trop futile. Je veux dire par là, ils n’étaient pas riches… pas que je sache. Mais ils s’en sortaient. »

« Leur voisine nous a dit que Julie aimait dessiner. C’était juste un hobby ou est-ce que ça lui permettait parfois de gagner un peu d’argent ? »

« C’était plutôt un hobby, » dit Julie. « Elle était assez bonne mais elle savait aussi que ses dessins n’avaient rien de spectaculaire, vous voyez ? »

« Et qu’est-ce qu’il en était d’ex petits amis ? Ou peut-être des ex petites amies que Josh ait pu avoir ? »

« Julie a quelques ex mais aucun qui ait pu le prendre mal. De plus, ils vivent tous un peu partout dans le pays. Je sais pour sûr que deux d’entre eux sont mariés. Quant à Josh, je ne pense pas qu’il y avait des ex dans les parages. Je veux dire par là… enfin, je ne sais pas. C’était juste un très beau couple. Ils allaient vraiment bien ensemble – abominablement mignons en public. Ce genre de couple. »

La visite avait été trop courte pour y mettre déjà fin mais Mackenzie n’avait plus qu’une seule piste à poursuivre et elle n’était pas vraiment sûre de la manière de l’aborder sans se répéter. Elle repensa à nouveau à ces transactions bizarres dans le chéquier des Sterling et elle était toujours incapable de les identifier.

C’est probablement rien, pensa-t-elle. Chacun a sa manière de garder ses comptes, c’est tout. Mais tout de même, ça vaut la peine d’y jeter un œil.

Tout en pensant aux abréviations qu’elle avait vues dans le chéquier des Sterling, Mackenzie continua à parler. Au moment où elle ouvrit la bouche, elle entendit le téléphone d’Harrison vibrer dans sa poche. Il le sortit rapidement et ignora l’appel. « Désolé, » dit-il.

Ignorant le dérangement, Mackenzie demanda : « Est-ce que vous savez si Julie ou Josh étaient impliqués dans une organisation quelle qu’elle soit, du style club ou fitness ? Un endroit où ils paieraient régulièrement des cotisations ? »

Sara réfléchit à la question durant un instant, puis elle secoua la tête. « Pas que je sache. Comme je vous le disais… ils ne dépensaient vraiment pas beaucoup d’argent. La seule cotisation que je sais que Julie devait payer en dehors des factures, c’était son compte Spotify et c’était seulement dix dollars. »

« Et est-ce que vous avez été contactée par qui que ce soit, par exemple un avocat, concernant leurs finances ? » demanda Mackenzie. « Je suis vraiment désolée de vous poser la question mais il se pourrait que ce soit urgent. »

« Non, pas encore, » dit-elle. « Ils étaient si jeunes. Je ne sais même pas s’ils avaient fait un testament. Merde… J’imagine qu’il faut que je m’attende à tout ça, non ? »

Mackenzie se mit debout, incapable de répondre à la question. « Encore merci pour le temps que vous nous avez consacré, Sara. Si vous vous rappelez de quoi que ce soit en rapport avec les questions que je viens de vous poser, n’hésitez pas à m’appeler. »

Sur ce, elle tendit une carte de visite à Sara qui la prit et la mit en poche, tout en les accompagnant vers la porte. Elle ne cherchait pas à être impolie mais il était évident qu’elle avait envie qu’ils s’en aillent le plus rapidement possible.

Une fois que la porte se fut refermée derrière eux, Mackenzie se retrouva sur le porche d’entrée de Sara en compagnie d’Harrison. Elle avait envisagé de lui faire une remarque concernant le fait d’avoir si rapidement informé Sara qu’il y avait eu d’autres meurtres qui pouvaient être liés à celui de sa sœur. Mais c’était une erreur commise de bonne foi, une erreur qu’elle avait commise une fois ou l’autre à ses débuts. Alors elle décida de l’ignorer.

« Je peux te demander quelque chose ? » demanda Harrison.

« Bien sûr, » dit Mackenzie.

« Pourquoi t’es-tu autant focalisée sur leurs finances ? Est-ce que ça à voir avec quelque chose que tu as remarqué chez les Sterling ? »

« Oui. C’est juste une intuition pour l’instant mais certaines des transactions étaient… »

Le téléphone d’Harrison se mit à nouveau à vibrer. Il le sortit de sa poche avec un air gêné. Il regarda l’écran, faillit ignorer l’appel mais garda le téléphone en main alors qu’ils se dirigeaient en direction de leur voiture.

« Désolé, il faut que je réponde à cet appel, » dit-il. « C’est ma sœur. Elle a déjà appelé quand on était chez Sara. Et c’est bizarre. »

Mackenzie ne lui accorda pas plus d’attention que ça alors qu’ils entraient dans la voiture. Elle écoutait même à peine ce qu’Harrison disait au téléphone lorsqu’il se mit à parler. Mais, au moment où elle recula pour rejoindre la route, elle remarqua dans le ton de sa voix que quelque chose ne tournait pas rond.

Quand il eut raccrochГ©, une expression de choc envahit son visage. Sa lГЁvre infГ©rieure se retroussa, dans une sorte de grimace ou de froncement.

« Harrison ? »

« Ma mère est morte ce matin, » dit-il.

« Oh mon dieu, » dit Mackenzie.

« Une crise cardiaque… juste comme ça. Elle… »

Mackenzie voyait bien qu’il luttait pour ne pas fondre en sanglots. Il tourna la tête de côté, en direction de la vitre passager et laissa ses larmes couler.

« Je suis vraiment désolée, Harrison, » dit-elle. « On va te ramener à la maison. Je vais tout de suite organiser ton vol. Tu as besoin de quoi que ce soit d’autre ? »

Il se contenta de secouer la tГЄte, en Г©vitant de la regarder tout en sanglotant un peu plus ouvertement.

Mackenzie appela d’abord Quantico. Elle ne parvint pas à avoir McGrath au téléphone, alors elle laissa un message avec sa réceptionniste, l’informant de ce qui était arrivé et du fait qu’Harrison prendrait un vol retour pour Washington le plus rapidement possible. Puis elle appela la compagnie aérienne et réserva le premier vol disponible, avec un départ dans trois heures et demie.

Au moment où le vol fut réservé et qu’elle eut raccroché, son téléphone se mit à sonner. Elle jeta un regard compatissant à Harrison et décrocha. Ça paraissait horrible de revenir à une mentalité de travail après ce qui venait d’arriver à Harrison mais elle avait un boulot à faire – et ils n’avaient toujours pas de piste sérieuse.

« Agent White, » dit-elle.

« Agent White, c’est l’officier Dagney. J’ai pensé que vous aimeriez savoir que nous avons une piste potentielle. »

« Potentielle ? » demanda-t-elle.

« Et bien, il correspond définitivement au profil. C’est un type qui a été arrêté pour plusieurs violations de domicile, deux d’entre elles avec violence et agression sexuelle. »

« Dans les mêmes quartiers que les Kurtz et les Sterling ? »

« C’est là où ça devient prometteur, » dit Dagney. « Une des violations avec agression sexuelle a eu lieu dans le même ensemble de maisons où les Kurtz vivaient. »

« Est-ce que vous avez l’adresse du type ? »

« Oui. Il travaille dans un garage de petite taille. Et nous avons reçu confirmation qu’il s’y trouve à l’instant même. Son nom, c’est Mike Nell. »

« Envoyez-moi l’adresse et je vais aller lui parler. Des nouvelles concernant les rapports financiers qu’Harrison a demandés ? » demanda Mackenzie.

« Pas encore. Mais nous avons des types qui y travaillent. Ça ne devrait pas prendre longtemps. »

Mackenzie raccrocha et fit de son mieux pour laisser Г  Harrison son moment de deuil. Il ne pleurait plus mais il devait visiblement faire un effort pour parvenir Г  faire bonne figure.

« Merci, » dit Harrison, en écrasant une larme sur sa joue.

« Pour quoi ? » demanda Mackenzie.

Il haussa les épaules. « Pour avoir appelé McGrath et l’aéroport. Désolé pour cette mauvaise nouvelle en plein milieu d’une enquête. »

« Il ne faut pas, » dit-elle. « Harrison, je suis vraiment désolée. »

Sur ce, le silence s’installa dans la voiture et qu’elle le veuille ou non, l’esprit de Mackenzie se remit en mode boulot. Il y avait un tueur en liberté et il avait apparemment une sorte d’esprit de vengeance bizarre dirigé vers les couples heureux. Et il se pourrait bien qu’il l’attende à l’instant même.

Mackenzie Г©tait impatiente de le rencontrer.




CHAPITRE SEPT


Déposer Harrison au motel fut un moment un peu amer. Elle aurait aimé pouvoir faire davantage pour lui ou, au moins, parvenir à lui offrir plus de réconfort. Mais au final, elle ne put que lui faire un signe tiède de la main au moment où il entrait dans sa chambre pour faire ses valises et appeler un taxi pour aller à l’aéroport.

Une fois qu’il eut refermé la porte, Mackenzie introduisit dans son GPS l’adresse que Dagney lui avait envoyée. Le garage Lipton se trouvait exactement à dix-sept minutes du motel, une distance qu’elle se mit tout de suite à parcourir.

Se retrouver toute seule dans la voiture lui fit bizarre mais elle se changea les idées en observant le cadre que lui offrait Miami. C’était une ville différente de toutes les autres villes balnéaires où elle n’avait jamais été. Là où de plus petites villes sur la plage avaient l’air plutôt ensablées et défraîchies, tout ce qu’elle voyait à Miami avait l’air de briller et de scintiller malgré la proximité du sable et du sel marin. De temps à autres, elle aperçut un édifice qui faisait tache, négligé et abandonné – un rappel que tout endroit avait ses imperfections.

Distraite par le panorama, elle arriva au garage plus rapidement qu’elle ne s’y attendait. Elle se gara sur un parking encombré de voitures et de camions détériorés, visiblement utilisés pour des pièces de rechange. Le garage avait l’air d’être le genre d’endroit continuellement au bord de la faillite.

Avant d’entrer, elle jeta un rapide coup d’œil à l’endroit. Elle vit un bureau délabré sans personne dedans. Le garage attenant comprenait trois voies, dont une seule était occupée par une voiture ; elle était surélevée sur une plateforme mais aucun travail n’avait l’air actuellement d’y être effectué. Dans le garage, un homme fouillait dans une boîte à outils. Un autre homme se trouvait à l’arrière, debout sur une petite échelle. Il fourrageait dans une série de vieilles boîtes en carton.

Mackenzie se dirigea vers l’homme qui se trouvait le plus près d’elle, celui qui fouillait dans la boîte à outils. Il avait l’air d’approcher la quarantaine, avait de longs cheveux gras qui lui arrivaient aux épaules et l’ombre d’une barbe au menton. Quand il leva les yeux vers elle au moment où elle s’approcha, il lui fit un large sourire éclatant.

« Salut, chérie, » dit-il avec un léger accent du Sud. « Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? »

Mackenzie sortit son badge. « Vous pouvez commencer par arrêter de m’appeler chérie, puis me dire s’il se trouve que vous êtes Mike Nell. »

« Oui, c’est moi, » dit-il. Il fixait son badge du regard avec un peu d’appréhension. Puis il la regarda de nouveau dans les yeux, comme s’il essayait de savoir s’il s’agissait d’une sorte de blague.

« Monsieur Nell, j’aimerais… »

Il se retourna rapidement et la bouscula. Avec force. Elle trébucha en arrière et ses pieds heurtèrent un pneu qui traînait au sol. Au moment où elle perdit l’équilibre et tomba sur le dos, elle aperçut Nell qui s’enfuyait. Il quittait le garage en courant et en regardant par-dessus son épaule.

Et bien, ça a rapidement dégénéré, pensa-t-elle. C’est clair qu’il est coupable de quelque chose.

Instinctivement, elle eut envie de sortir son arme. Mais ça pouvait provoquer la panique. Alors elle se remit debout pour le poursuivre. Au moment où elle se releva, sa main tomba sur quelque chose d’autre qui traînait au sol. C’était une clé à écrou – probablement celle qui avait permis de démonter le pneu sur lequel elle avait trébuché.

Elle l’attrapa et se remit rapidement sur pieds. Elle se précipita vers l’avant du garage et vit Nell sur le trottoir, sur le point de traverser la route. Mackenzie jeta rapidement un coup d’œil autour d’elle, vit qu’il n’y avait aucune voiture à proximité et plia le bras en arrière.

De toutes ses forces, elle lança la clé à écrou qui parcourut les cinq mètres qui la séparaient de Nell, l’atteignant droit dans le dos. Il laissa échapper un cri de surprise et de douleur avant de tituber en avant et de tomber à genoux, le visage touchant presque le sol.

Elle le rejoignit en courant et lui planta un genou dans le dos avant qu’il n’ait le temps d’envisager de se remettre debout.

Elle lui plia les bras dans le dos, en appuyant fortement. Il essaya de se dégager mais il réalisa qu’essayer de s’échapper ne faisait que lui causer plus de douleur vu que ses épaules étaient tirées en arrière. Avec une rapidité qu’elle pratiquait depuis maintenant des mois, elle sortit ses menottes de sa ceinture et les referma autour des poignets de Nell.

« Ce n’était pas très intelligent, » dit Mackenzie. « Je voulais juste vous poser quelques questions… et vous venez de me donner la réponse que je cherchais. »

Nell ne dit rien mais il accepta finalement le fait qu’il ne pourrait plus lui échapper. L’autre homme qui se trouvait dans le garage les rejoignit en courant.

« C’est quoi ce bordel ? » demanda-t-il.

« Monsieur Nell vient juste d’attaquer un agent du FBI, » dit Mackenzie. « J’ai bien peur qu’il ne soit pas disponible pour terminer sa journée de travail. »


***

Depuis la pièce d’observation, Mackenzie regardait Mike Nell à travers le miroir sans tain. Il avait l’air irrité et gêné  – un air renfrogné qu’il avait depuis l’instant où Mackenzie l’avait remis sur pieds, menotté devant son employeur. Il se mordait nerveusement la lèvre, signe qu’il était probablement en manque de nicotine ou d’alcool.

Mackenzie cessa de le regarder pour s’intéresser au dossier qu’elle tenait en main. Il contenait l’histoire courte mais perturbée de Mike Nell, un adolescent fugueur à l’âge de seize ans, arrêté la première fois pour menus larcins et voies de fait à l’âge de dix-huit ans. Les douze dernières années de sa vie peignaient l’image d’un raté instable – agression, vol, effraction, quelques séjours en prison.

ГЂ cГґtГ© de Mackenzie, Dagney et le chef Rodriguez regardaient Nell avec une certaine forme de dГ©dain.

« J’ai l’impression que vous avez déjà souvent eu affaire à lui dans le passé ? » demanda Mackenzie.

« Oui, effectivement, » dit Rodriguez. « Mais curieusement, la justice se contente à chaque fois de lui taper un peu sur les doigts et c’est tout. La plus longue peine qu’il ait dû purger est celle pour laquelle il vient juste d’être libéré sur parole et c’était une condamnation d’un an. S’il s’avère que cet abruti est responsable de ces meurtres, les tribunaux vont se retrouver la queue entre les jambes. »

Mackenzie tendit le dossier à Dagney et se dirigea en direction de la porte. « Voyons ce qu’il a à nous dire alors, » dit-elle.

Elle sortit de la pièce et resta un instant debout dans le couloir avant d’aller interroger Mike Nell. Elle sortit son téléphone pour voir si elle avait reçu un message d’Harrison. Il devait être à l’aéroport à l’heure qu’il était, peut-être qu’il avait pu parler avec d’autres membres de sa famille et qu’il avait une meilleure idée de ce qui se passait à la maison. Elle était sincèrement désolée pour lui et même si elle ne le connaissait vraiment pas si bien que ça, elle aurait aimé pouvoir faire quelque chose pour lui.

Mettant pour l’instant ses émotions de côté, elle remit son téléphone en poche et entra dans la salle d’interrogatoire. Mike Nell leva les yeux vers elle et ne fit aucun effort pour cacher son dédain. Mais il y avait maintenant aussi quelque chose de plus dans son regard. Il ne faisait aucun effort pour dissimuler le fait qu’il la matait, ses yeux s’attardant spécialement au niveau de ses hanches.

« Vous voyez quelque chose qui vous plaît, monsieur Nell ? » demanda-t-elle en s’asseyant.

Visiblement surpris par la question, Nell ricana nerveusement et dit, « J’imagine. »

« J’imagine que vous savez que vous vous êtes attiré des ennuis en levant la main sur un agent du FBI, même si ce n’était qu’une bousculade. »

« Et votre coup là, avec la clé à écrou ? » demanda-t-il.

« Vous auriez préféré mon flingue ? Une balle à travers le mollet ou l’épaule pour vous ralentir ? »

Nell ne dit rien.

« Il est clair qu’on ne risque pas d’être amis de sitôt, » dit Mackenzie, « alors je pense qu’on peut se passer des formalités. J’aimerais savoir où vous vous trouviez à chaque instant de la semaine dernière. »

« Ça va être une longue liste, » dit Nell, sur un air de défi.

« Oui, je suis sûre qu’un homme tel que vous doit être bien occupé. Alors commençons par avant-hier. Où étiez-vous entre dix-huit heures et six heures du matin ? »

« Il y a deux jours ? Je suis sorti avec un ami. On a joué aux cartes et bu quelques verres. Rien de vraiment spécial. »

« Est-ce que quelqu’un d’autre que votre ami peut le confirmer ? »

Nell haussa les épaules. « Je ne sais pas. Il y avait d’autres types qui jouaient aux cartes avec nous. Mais enfin, ça rime à quoi tout ça ? »

Mackenzie ne voyait pas la nécessité de tirer plus longtemps en longueur. Si elle n’avait pas été aussi préoccupée par Harrison, elle l’aurait peut-être cuisiné un peu plus longtemps avant d’en arriver au fait, en espérant qu’il finisse par se trahir s’il était en effet coupable.

« Un couple a été retrouvé assassiné dans leur maison il y a deux jours. Et il se fait que leur maison se situe dans le même complexe d’habitations où vous avez été arrêté pour tentative de cambriolage et voies de fait. Additionnez les deux, plus le fait qu’on vous a libéré sous parole il y a un peu moins d’un mois, et vous arrivez en tête de liste des personnes à interroger. »

« C’est vraiment n’importe quoi, » dit Nell.

« Non, c’est logique. Quelque chose à laquelle vous ne devez pas être très habitué, au vu de votre casier judiciaire. »

Elle vit qu’il eut envie de lui répondre de manière cinglante mais il se retint, se mordant de nouveau la lèvre inférieure. « Je ne suis pas retourné dans ce quartier depuis que je suis sorti, » dit-il. « Ça n’aurait pas de sens. »

Elle le regarda d’un air sceptique durant un instant et demanda : « Et vos amis ? Ce sont des types que vous avez rencontrés en prison ? »

« L’un d’entre eux, oui. »

« Et certains de vos amis font aussi dans le cambriolage et l’agression ? »

« Non, » répondit-il. « Un des types a une condamnation pour effraction qui date de son adolescence, mais non… ce ne sont pas des assassins. Et moi non plus. »

« Mais entrer par effraction et tabasser quelqu’un, ça, c’est OK ? »

« Je n’ai jamais tué personne, » dit-il à nouveau. Il était visiblement frustré et se retenait pour ne pas se lâcher sur elle. Et c’était exactement ce qu’elle cherchait à savoir. S’il était coupable des meurtres, il y aurait plus de chance qu’il se fâche et se mette sur la défensive. Le fait qu’il fasse des efforts afin d’éviter des ennuis, entre autre en évitant de se lâcher verbalement sur un agent du FBI, voulait dire qu’il était plus que probable qu’il n’ait aucune connexion avec les meurtres.

« OK, disons que vous n’avez rien à voir avec ces meurtres. De quoi êtes-vous coupable alors ? Je présume qu’il y a quelque chose que vous faites et que vous ne devriez pas. Sinon pourquoi m’avoir bousculée, moi, un agent du FBI, et essayer de vous enfuir ? »

« Je ne dirai rien, » dit-il. « Pas avant d’avoir vu un avocat. »

« Ah, c’est vrai, j’oubliais que vous étiez un pro à ce jeu maintenant. Alors oui, OK… on va appeler votre avocat. Mais je suppose que vous savez aussi comment fonctionne la police. Nous savons que vous êtes coupable de quelque chose. Et nous allons découvrir de quoi il s’agit. Alors autant me le dire tout de suite et épargner des problèmes à tout le monde. »

Il resta silencieux pendant plusieurs secondes, indiquant par là qu’il était clair qu’il ne dirait rien.

« J’ai besoin que vous me donniez les noms et les numéros de téléphone des hommes avec lesquels vous prétendez avoir passé la soirée il y a deux jours. Fournissez-moi cette information et si votre alibi est confirmé, vous êtes libre de partir. »

« OK, » grommela Nell.

His reaction to this was yet another sign that he was likely innocent of the murders. There was no instant relief on his face, just a sort of annoyed irritation that he had somehow once again found himself back in an interrogation room.

Mackenzie prit note du nom des hommes en indiquant à l’adresse de Dagney, ou de la personne qui se chargeait de ce genre de tâches, de fouiller le téléphone de Nell afin d’y trouver leurs numéros. Elle sortit de la salle d’interrogatoire et se dirigea vers celle d’observation.

« Alors ? » dit Rodriguez.

« Ce n’est pas notre type, » dit Mackenzie. « Mais juste pour la forme, voici une liste des amis avec lesquels il dit qu’il a passé la soirée le jour où les Kurtz ont été assassinés. »

« Vous en êtes sûre ? »

Elle hocha la tГЄte.

« Il n’a pas exprimé de réel soulagement quand je lui ai dit qu’il pourrait sûrement partir une fois que son alibi aurait été confirmé. Et j’ai essayé de le faire monter, pour qu’il se trahisse. Mais son comportement n’indique en rien qu’il soit coupable. Mais comme je vous le disais, il vaut mieux vérifier avec ses complices, juste pour être sûrs. Nell est définitivement coupable de quelque chose. J’ai un bleu dans le dos qui le prouve. Vous pensez pouvoir découvrir de quoi il s’agit ? »

« OK, on s’en charge. »

Elle quitta le commissariat, convaincue que Mike Nell n’était pas leur homme. Mais à un moment donné, elle se mit à penser à son père.

Elle supposait que ça devait arriver. Il y avait quelques similarités entre sa mort et l’affaire sur laquelle elle travaillait. Quelqu’un était entré dans la maison de ces couples sans signe d’effraction, insinuant par là que les couples connaissaient l’assassin et l’ont laissé entrer de leur plein gré. Au moment où elle se rappela les photos des Kurtz et des Sterling qu’elle avait vues dans le dossier, elle revit l’image de son père, étendu en sang sur le lit.

Penser à son père décédé la fit se sentir encore plus désolée pour Harrison. Elle retourna au  motel aussi vite que possible mais quand elle frappa à sa porte, personne ne répondit. Mackenzie se rendit à la réception et y trouva un réceptionniste qui avait l’air de beaucoup s’ennuyer, occupé à feuilleter un magazine de Star.

« Excusez-moi mais est-ce que mon partenaire est déjà parti ? »

« Oui, il est parti il y a cinq minutes. Je lui ai appelé un taxi pour l’emmener à l’aéroport. »

« OK, merci, » dit Mackenzie, sur un ton déçu.

Elle quitta la réception avec le sentiment étrange de se sentir isolée. Bien sûr, elle avait déjà travaillé seule sur des enquêtes dans le passé, surtout quand elle bossait en tant que détective au Nebraska. Mais se retrouver dans une ville étrangère sans un partenaire la faisait se sentir particulièrement seule. Elle se sentait légèrement fragile et c’était un sentiment qu’elle ne pouvait pas ignorer.

Avec cette sensation de décalage s’intensifiant à chaque seconde, Mackenzie se dit qu’elle allait y mettre un halte-là de la seule manière qu’elle connaissait : en se plongeant dans le travail. Elle retourna à sa voiture et se dirigea directement vers le commissariat, en se disant que malgré le fait que travailler seule sur cette affaire soit un peu déprimant, il se pourrait que ce soit justement la motivation dont elle avait besoin pour trouver l’assassin avant que la journée ne se termine.




CHAPITRE HUIT


Sa motivation d’attraper le tueur par elle-même fut très vite ralentie par un manque de réponses et plusieurs heures de perte de temps passées au commissariat. Elle était assise dans un petit bureau offert par Rodriguez, alors que les maigres nouvelles arrivaient. La première nouvelle était qu’après moins de trois heures, chacun des compères de Mike Nell avait confirmé ce à quoi elle s’attendait. La preuve existait maintenant, provenant de plusieurs sources, que Nell n’avait pas pu se trouver à proximité de la maison des Kurtz le soir des meurtres.

Cependant, durant ces mêmes trois heures, la police de Miami avait retrouvé un kilo d’héroïne caché dans un petit compartiment secret dans son camion. Il fut également prouvé après plusieurs appels qu’il avait des rendez-vous prévus pour revendre la drogue, dont l’un était un client qui n’avait que quinze ans.




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